Практикум по культуре речевого общения. Ч.1. Гиляровская Т.В - 40 стр.

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niveau de produit national implique le sacrifice d'une fraction de la population.
L’économie, le marché, l'offre ne peuvent pourvoir à tout et à tous. Ni la
télévision. Ni les fantasmes.
L’impuissance à se partager avec équité les avantages de la France
moderne coince les Français à la veille du XXIe siècle: la désagréable certitude
que les rôles ne sont pas bien distribués. En jetant au panier l'idéal de révolution
sociale qui avait inspiré tous les progressistes du passé, les Français ont relégué
la France sociale à une place résiduelle. Pourtant, il a subsisté, le petit peuple
des revenus minimaux, par derrière le grand potlatch des idées et des classes, au
verso des écrans de fumée, hors les incantations à la société de communication,
en deçà des fabriques d'images harmoniques, attractives et consensuelles.
Les Misérables n'ont pas de pudeur. Ils ne sont pas polis. Ils se pointent
quand ils ne sont jamais invités. Ils gâchent les jolies vues de l'esprit. Ils sont
vulgaires, triviaux, rudimentaires. Ils parlent un mauvais français. Ils sont si
nuisibles qu'ils se nuisent à eux-mêmes, s'entretuent, se violent, s'agressent,
salissent, font des revendications impossibles, tirent la société vers le bas. Mais
ils existent et ne se contentent pas d'être des dossiers de télévision: les orphelins
battus dans des centres d'éducation surveillée, les enfants maltraités, les ouvriers
de labeur, percherons d'usine, les employés stressés, les mal payés, les pas
payés, les impayés, les chômeurs, les malades, les aliénés. La France n'est pas
moins schizo que ses locataires car elle se vit à deux vitesses. Les
«riches»consomment de la vitesse à volonté. Ils vont plus vite, pouvoir de la
vitesse: transports, calculs, informations, intelligence artificielle. Les pauvres
n'ont pas les moyens de se payer de la vitesse. Alors, ils traînent, ils sont affalés
sur les bancs et dans les couloirs publics. On les trouve en masse à tous les
terminaux des transports, aériens exceptés: gares SNCF, stations de métro,
bouches de métro, berges. Ils mendient des tickets de transports. Ils sont lents.
Immobiles. Ils n'ont pas pu monter dans le dernier wagon. Ce sont des moins
que rien, des Français qui comptent pour du beurre, des zéros, 0 km/h.
Phénomène d'induction: les liens entre la vie politique et les affaires de
consommation se sont resserrés, pour le meilleur comme pour le pire. Pour le
meilleur, on l'a vu: la liberté. Pour le pire: la montée en puissance du Front
national et la popularisation de nouvelles façons de consommer des produits de
plus en plus allogènes suivent des courbes dont le parallélisme est frappant. Tout
s'est passé comme si l'adhésion aux valeurs du Front national avait été une
réponse réactive à la dénaturalisation indiscutable de la consommation
nationale. Ce n'est pas une simple coïncidence si ce contre-mouvement
xénophobe a correspondu à l'engouement des Français pour les glaces, les
parfums et les fleurs exotiques. Comme il est une réaction à la banalisation des
avocats et des kiwis, ou au succès du fast-food, aux petits déjeuners aux
céréales. Mettez-vous à la place de ces petits Blancs, à la case de l'oncle Le Pen:
on bouffe étranger, bouffons les étrangers. Moins les Français mangeaient
français, plus ils se sont excités. S'il n'y avait eu que les trucs exotiques, cela
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niveau de produit national implique le sacrifice d'une fraction de la population.
L’économie, le marché, l'offre ne peuvent pourvoir à tout et à tous. Ni la
télévision. Ni les fantasmes.
       L’impuissance à se partager avec équité les avantages de la France
moderne coince les Français à la veille du XXIe siècle: la désagréable certitude
que les rôles ne sont pas bien distribués. En jetant au panier l'idéal de révolution
sociale qui avait inspiré tous les progressistes du passé, les Français ont relégué
la France sociale à une place résiduelle. Pourtant, il a subsisté, le petit peuple
des revenus minimaux, par derrière le grand potlatch des idées et des classes, au
verso des écrans de fumée, hors les incantations à la société de communication,
en deçà des fabriques d'images harmoniques, attractives et consensuelles.
       Les Misérables n'ont pas de pudeur. Ils ne sont pas polis. Ils se pointent
quand ils ne sont jamais invités. Ils gâchent les jolies vues de l'esprit. Ils sont
vulgaires, triviaux, rudimentaires. Ils parlent un mauvais français. Ils sont si
nuisibles qu'ils se nuisent à eux-mêmes, s'entretuent, se violent, s'agressent,
salissent, font des revendications impossibles, tirent la société vers le bas. Mais
ils existent et ne se contentent pas d'être des dossiers de télévision: les orphelins
battus dans des centres d'éducation surveillée, les enfants maltraités, les ouvriers
de labeur, percherons d'usine, les employés stressés, les mal payés, les pas
payés, les impayés, les chômeurs, les malades, les aliénés. La France n'est pas
moins schizo que ses locataires car elle se vit à deux vitesses. Les
«riches»consomment de la vitesse à volonté. Ils vont plus vite, pouvoir de la
vitesse: transports, calculs, informations, intelligence artificielle. Les pauvres
n'ont pas les moyens de se payer de la vitesse. Alors, ils traînent, ils sont affalés
sur les bancs et dans les couloirs publics. On les trouve en masse à tous les
terminaux des transports, aériens exceptés: gares SNCF, stations de métro,
bouches de métro, berges. Ils mendient des tickets de transports. Ils sont lents.
Immobiles. Ils n'ont pas pu monter dans le dernier wagon. Ce sont des moins
que rien, des Français qui comptent pour du beurre, des zéros, 0 km/h.
       Phénomène d'induction: les liens entre la vie politique et les affaires de
consommation se sont resserrés, pour le meilleur comme pour le pire. Pour le
meilleur, on l'a vu: la liberté. Pour le pire: la montée en puissance du Front
national et la popularisation de nouvelles façons de consommer des produits de
plus en plus allogènes suivent des courbes dont le parallélisme est frappant. Tout
s'est passé comme si l'adhésion aux valeurs du Front national avait été une
réponse réactive à la dénaturalisation indiscutable de la consommation
nationale. Ce n'est pas une simple coïncidence si ce contre-mouvement
xénophobe a correspondu à l'engouement des Français pour les glaces, les
parfums et les fleurs exotiques. Comme il est une réaction à la banalisation des
avocats et des kiwis, ou au succès du fast-food, aux petits déjeuners aux
céréales. Mettez-vous à la place de ces petits Blancs, à la case de l'oncle Le Pen:
on bouffe étranger, bouffons les étrangers. Moins les Français mangeaient
français, plus ils se sont excités. S'il n'y avait eu que les trucs exotiques, cela
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