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renchérit Marina, professeur de russe, la différence, c’est qu’à l'époque
(en 1978) mon père, qui était professeur d'université, pouvait payer :
aujourd'hui, il ne pourrait plus.»
Ce système se nourrit d'une équation toute simple: un universitaire ne vit
pas de son salaire. Le plus élevé dans la hiérarchie gagne officiellement
4000 roubles (environ 150 €) par mois. Un professeur de français se
contente de 1 800 roubles (69 €). Encore les enseignants de Lomonossov
sont-ils relativement bien traités: l'université leur verse régulièrement
deux à trois salaires en plus de celui de l’Etat. Reste qu'il est impossible
de vivre à Moscou avec ce revenu. Traducteur, répétiteur, journaliste,
guide, assistant dans le secteur privé... Les professeurs d'université, qui
autrefois avaient un statut prestigieux, disposaient d'une voiture, d'une
datcha, sont réduits aujourd'hui à multiplier les «petits boulots», leur
fonction universitaire faisant office de (prestigieuse) carte de visite.
«Le problème essentiel, ce n'est pas que les enseignants sont obligés
d'avoir plusieurs emplois: c'est que dans presque toutes les facultés, les
meilleurs sont partis, d'une manière ou d'une autre.» Victor Jivov sait de
quoi il parle. Lui-même est parti. Depuis six ans, ce «professeur
Tournesol» à la barbe grise, nœud papillon de travers, donne des cours de
civilisation russe à Berkeley (Californie). Alors qu'il aurait pu s'installer
définitivement aux Etats-Unis, il a fait le choix de n'y passer que quatre
mois par an. «Je me sens bien ici, explique-t-il, mes enfants vivent ici, ma
bibliothèque est ici, j'aime entendre parler russe dans la rue.»
Les très jeunes et les très vieux
S'il continue d'enseigner à la faculté de lettres, pour un «salaire de
misère», c'est parce qu'il «aime enseigner» et parce qu’«il y a encore de
très bons étudiants». Ce qui ne l'empêche pas de parler de son université
de manière désabusée: «C'est beaucoup plus démocratique aux Etats-
Unis. Là-bas, ça ne dépend pas aussi directement du revenu de la famille,
la reproduction des inégalités sociales est indirecte. Ici dans une certaine
mesure, c 'est mieux qu 'avant, les cours idéologiques ont disparu, mais la
corruption a empiré. Quand je suis entré à l'université, en 1963, elle
existait, mais elle était relativement limitée. Dans les années 1980, c'est
devenu un système établi. Et aujourd'hui, c'est pire qu'avant, c'est plus
cher, les violations sont plus flagrantes »
Mais ce qui désespère le plus Victor Jivov, c'est la fuite de la matière
grise. Le corps enseignant s'est vidé d'une tranche d'âge, partie à l'étranger
ou sur le marché du travail, faute de salaires décents. Restent les très
jeunes, et les très vieux. Rien ni personne n'oblige un professeur à prendre
sa retraite, et surtout pas ses cadets, effarés par le montant dérisoire des
pensions. Les enseignants de quatre-vingts ans - restés en général fidèles
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renchérit Marina, professeur de russe, la différence, c’est qu’à l'époque (en 1978) mon père, qui était professeur d'université, pouvait payer : aujourd'hui, il ne pourrait plus.» Ce système se nourrit d'une équation toute simple: un universitaire ne vit pas de son salaire. Le plus élevé dans la hiérarchie gagne officiellement 4000 roubles (environ 150 €) par mois. Un professeur de français se contente de 1 800 roubles (69 €). Encore les enseignants de Lomonossov sont-ils relativement bien traités: l'université leur verse régulièrement deux à trois salaires en plus de celui de l’Etat. Reste qu'il est impossible de vivre à Moscou avec ce revenu. Traducteur, répétiteur, journaliste, guide, assistant dans le secteur privé... Les professeurs d'université, qui autrefois avaient un statut prestigieux, disposaient d'une voiture, d'une datcha, sont réduits aujourd'hui à multiplier les «petits boulots», leur fonction universitaire faisant office de (prestigieuse) carte de visite. «Le problème essentiel, ce n'est pas que les enseignants sont obligés d'avoir plusieurs emplois: c'est que dans presque toutes les facultés, les meilleurs sont partis, d'une manière ou d'une autre.» Victor Jivov sait de quoi il parle. Lui-même est parti. Depuis six ans, ce «professeur Tournesol» à la barbe grise, nœud papillon de travers, donne des cours de civilisation russe à Berkeley (Californie). Alors qu'il aurait pu s'installer définitivement aux Etats-Unis, il a fait le choix de n'y passer que quatre mois par an. «Je me sens bien ici, explique-t-il, mes enfants vivent ici, ma bibliothèque est ici, j'aime entendre parler russe dans la rue.» Les très jeunes et les très vieux S'il continue d'enseigner à la faculté de lettres, pour un «salaire de misère», c'est parce qu'il «aime enseigner» et parce qu’«il y a encore de très bons étudiants». Ce qui ne l'empêche pas de parler de son université de manière désabusée: «C'est beaucoup plus démocratique aux Etats- Unis. Là-bas, ça ne dépend pas aussi directement du revenu de la famille, la reproduction des inégalités sociales est indirecte. Ici dans une certaine mesure, c 'est mieux qu 'avant, les cours idéologiques ont disparu, mais la corruption a empiré. Quand je suis entré à l'université, en 1963, elle existait, mais elle était relativement limitée. Dans les années 1980, c'est devenu un système établi. Et aujourd'hui, c'est pire qu'avant, c'est plus cher, les violations sont plus flagrantes » Mais ce qui désespère le plus Victor Jivov, c'est la fuite de la matière grise. Le corps enseignant s'est vidé d'une tranche d'âge, partie à l'étranger ou sur le marché du travail, faute de salaires décents. Restent les très jeunes, et les très vieux. Rien ni personne n'oblige un professeur à prendre sa retraite, et surtout pas ses cadets, effarés par le montant dérisoire des pensions. Les enseignants de quatre-vingts ans - restés en général fidèles 99
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