Основные понятия теории права. Просолупова А.В. - 3 стр.

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par exemple, que le propriétaire d’un appartement a le droit de le
vendre à la personne de son choix, que l’employé qui a travaillé
normalement a le droit de percevoir son salaire, que la victime d’un
accident a le droit d’exiger des dommages et intérêts de la part du
responsable de cet accident, etc. Mais ce n’est plus là un droit au sens
objectif, puisqu’il s’agit ici de situations individuelles. Il s’agit donc
d’un droit pris en un sens beaucoup plus particularisé, en un sens que
l’on qualifie de subjectif. On appelle alors un tel droit: un droit
subjectif.
Il faut donc bien s’aviser que, dans le langage juridique français,
le mot droit peut être utilisé dans différents sens, dont deux principaux.
Ces deux sens principaux du mot droit sont, d’une part, le droit
objectif, que nous avons défini et décrit jusqu’à présent et, d’autre part,
le droit subjectif, considéré alors comme un pouvoir d’action reconnu,
accordé, à un individu à l’encontre des autres individus, par une règle
juridique. Certains ouvrages d’initiation ou d’introduction au droit
s’empressent de présenter en même temps ces deux définitions du mot
droit, et cela dès leur première ou leur deuxième page. Méthode
contestable, peut-on croire, car ces deux sens du mot droit sont
tellement différents que leur rapprochement prématuré provoque
fréquemment des confusions, parfois durables, dans l’esprit des
profanes et des juristes débutants. En fait, il y a, d’un côté, le véritable
«droit », c’est-à-dire le droit objectif, ensemble de règles participant de
la fonction normative, défini et garanti par le pouvoir politique d’une
société; et il y a, d’un autre côté, et dans une acception complètement
différente, une autre notion, exprimée également par le mot droit, au
sens dit subjectif, mais qui n’est, au fond, qu’un simple élément de la
technique juridique du droit objectif, et un élément qui, d’ailleurs,
n’existe pas partout, ni dans tous les systèmes de droit, ni dans tous les
pays. Pour un Britannique, pour un musulman, pour un Japonais ou un
Chinois par exemple, le droit au sens subjectif est une notion très
difficilement compréhensible.
Cette dernière constatation n’est, à vrai dire, nullement étonnante,
lorsqu’on s’avise, à la réflexion, que la notion de droit subjectif n’est
d’ailleurs pas toujours clairement compréhensible, dans le détail, même
pour un Français. Il s’agit, en effet, d’une notion difficile à définir,
discutée, souvent controversée, parfois même critiquée ou rejetée.
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En réalité pourtant, la notion de droit subjectif apparaît bien
comme un élément fondamental et indispensable de la technique
juridique, et cela, normalement, même dans n’importe quel système
juridique. Le tout est de bien préciser ce qu’est ou ce que peut être un
droit subjectif, d’en mesurer la portée, mais d’en marquer aussi les
limites.
Le droit subjectif, en fait, c’est la capacité reconnue à un
individu – ou à groupe, naturellement – de pouvoir disposer, à son
bénéfice et à son gré, de la force matérielle du pouvoir politique qui
caractérise le droit et qui le sous-tend.
Par exemple, j’ai prêté la somme de dix mille francs à mon ami
Thibaut. Mais, quelque temps après, ma demande de restitution de la
somme prêtée se heurte à un refus: Thibaut invoque des problèmes
d’emploi, des difficultés économiques, etc., et il refuse de me
rembourser. Dans ces conditions, je détiens un droit subjectif à
l’encontre de Thibaut: nanti de la reconnaissance de dette signée par
mon débiteur, et invoquant l’article 1134 du Code civil, qui prescrit le
remboursement des dettes contractées, je dispose d’une prérogative
contre lui. J’ai, en effet, le pouvoir de saisir un juge, un tribunal, qui
enjoindra à Thibaut de me rembourser, qui le contraindra à le faire, au
besoin en faisant saisir sa voiture ou son mobilier, éventuellement par
la force brutale, avec le concours de la police. Armé de mon droit
subjectif, je suis parfaitement autorisé à me montrer dur et intraitable.
Et le juge lui-même ne possède aucun pouvoir d’appréciation pour
intervenir à ce propos. Il est tenu par la loi de protéger mon droit et de
me donner satisfaction. Un huissier, auxiliaire de la justice, fera vendre
la voiture ou le mobilier de mon débiteur, et me remboursera sur la
somme perçue. Ainsi, avec le concours de juge et de la force publique,
j’ai imposé à mon ami Thibaut le respect du droit.
Avais-je tort? De mon point de vue, certes non, car je sais bien
moi, juriste, que la règle de droit est faite pour être respectée; sinon, ce
n’était pas la peine de la faire. J’ai prêté une certaine somme d’argent à
Thibaut: il doit me la restituer, et à ma première demande. Brutal, mais
logique.
Toutefois, d’un autre côté, n’avais-je pas, peut-être, tort du point
de vue de Thibaut? Car, après tout, il est possible que je sois très à
l’aise financièrement, que je n’aie pas un besoin immédiat de la somme
par exemple, que le propriétaire d’un appartement a le droit de le                    En réalité pourtant, la notion de droit subjectif apparaît bien
vendre à la personne de son choix, que l’employé qui a travaillé               comme un élément fondamental et indispensable de la technique
normalement a le droit de percevoir son salaire, que la victime d’un           juridique, et cela, normalement, même dans n’importe quel système
accident a le droit d’exiger des dommages et intérêts de la part du            juridique. Le tout est de bien préciser ce qu’est ou ce que peut être un
responsable de cet accident, etc. Mais ce n’est plus là un droit au sens       droit subjectif, d’en mesurer la portée, mais d’en marquer aussi les
objectif, puisqu’il s’agit ici de situations individuelles. Il s’agit donc     limites.
d’un droit pris en un sens beaucoup plus particularisé, en un sens que                Le droit subjectif, en fait, c’est la capacité reconnue à un
l’on qualifie de subjectif. On appelle alors un tel droit: un droit            individu – ou à groupe, naturellement – de pouvoir disposer, à son
subjectif.                                                                     bénéfice et à son gré, de la force matérielle du pouvoir politique qui
       Il faut donc bien s’aviser que, dans le langage juridique français,     caractérise le droit et qui le sous-tend.
le mot droit peut être utilisé dans différents sens, dont deux principaux.            Par exemple, j’ai prêté la somme de dix mille francs à mon ami
Ces deux sens principaux du mot droit sont, d’une part, le droit               Thibaut. Mais, quelque temps après, ma demande de restitution de la
objectif, que nous avons défini et décrit jusqu’à présent et, d’autre part,    somme prêtée se heurte à un refus: Thibaut invoque des problèmes
le droit subjectif, considéré alors comme un pouvoir d’action reconnu,         d’emploi, des difficultés économiques, etc., et il refuse de me
accordé, à un individu à l’encontre des autres individus, par une règle        rembourser. Dans ces conditions, je détiens un droit subjectif à
juridique. Certains ouvrages d’initiation ou d’introduction au droit           l’encontre de Thibaut: nanti de la reconnaissance de dette signée par
s’empressent de présenter en même temps ces deux définitions du mot            mon débiteur, et invoquant l’article 1134 du Code civil, qui prescrit le
droit, et cela dès leur première ou leur deuxième page. Méthode                remboursement des dettes contractées, je dispose d’une prérogative
contestable, peut-on croire, car ces deux sens du mot droit sont               contre lui. J’ai, en effet, le pouvoir de saisir un juge, un tribunal, qui
tellement différents que leur rapprochement prématuré provoque                 enjoindra à Thibaut de me rembourser, qui le contraindra à le faire, au
fréquemment des confusions, parfois durables, dans l’esprit des                besoin en faisant saisir sa voiture ou son mobilier, éventuellement par
profanes et des juristes débutants. En fait, il y a, d’un côté, le véritable   la force brutale, avec le concours de la police. Armé de mon droit
«droit », c’est-à-dire le droit objectif, ensemble de règles participant de    subjectif, je suis parfaitement autorisé à me montrer dur et intraitable.
la fonction normative, défini et garanti par le pouvoir politique d’une        Et le juge lui-même ne possède aucun pouvoir d’appréciation pour
société; et il y a, d’un autre côté, et dans une acception complètement        intervenir à ce propos. Il est tenu par la loi de protéger mon droit et de
différente, une autre notion, exprimée également par le mot droit, au          me donner satisfaction. Un huissier, auxiliaire de la justice, fera vendre
sens dit subjectif, mais qui n’est, au fond, qu’un simple élément de la        la voiture ou le mobilier de mon débiteur, et me remboursera sur la
technique juridique du droit objectif, et un élément qui, d’ailleurs,          somme perçue. Ainsi, avec le concours de juge et de la force publique,
n’existe pas partout, ni dans tous les systèmes de droit, ni dans tous les     j’ai imposé à mon ami Thibaut le respect du droit.
pays. Pour un Britannique, pour un musulman, pour un Japonais ou un                   Avais-je tort? De mon point de vue, certes non, car je sais bien
Chinois par exemple, le droit au sens subjectif est une notion très            moi, juriste, que la règle de droit est faite pour être respectée; sinon, ce
difficilement compréhensible.                                                  n’était pas la peine de la faire. J’ai prêté une certaine somme d’argent à
       Cette dernière constatation n’est, à vrai dire, nullement étonnante,    Thibaut: il doit me la restituer, et à ma première demande. Brutal, mais
lorsqu’on s’avise, à la réflexion, que la notion de droit subjectif n’est      logique.
d’ailleurs pas toujours clairement compréhensible, dans le détail, même               Toutefois, d’un autre côté, n’avais-je pas, peut-être, tort du point
pour un Français. Il s’agit, en effet, d’une notion difficile à définir,       de vue de Thibaut? Car, après tout, il est possible que je sois très à
discutée, souvent controversée, parfois même critiquée ou rejetée.             l’aise financièrement, que je n’aie pas un besoin immédiat de la somme

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