Основные понятия теории права. Просолупова А.В. - 5 стр.

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n’étaient pas suffisamment exigeants, presque plus personne ne paierait
ses dettes. Lorsque l’EDF coupe l’électricité, il peut, certes, y avoir
intransigeance ou abus; mais si elle ne le faisait pas, son attitude ne
provoquerait-elle pas de nombreuses factures impayées? Dans une
société organisée, l’abus des droits est critiquable, mais le refus des
devoirs ne l’est pas moins.
Les devoirs: c’est avec eux que nous touchons le plus à
l’ambiguïté de la notion de droit subjectif. Car le droit objectif définit à
la fois des droits et des devoirs, des prérogatives et des obligations. Et
toute règle juridique peut être envisagée sous deux angles: sous l’angle
de celui qui peut s’en prévaloir, mais aussi sous l’angle de celui qu’elle
contraint. Lorsque j’achète un téléviseur ou un appareil ménager
quelconque, j’ai le droit d’exiger la livraison de l’appareil, mais j’ai le
devoir d’en payer le prix au vendeur. Et le vendeur a, lui, le droit
d’exiger le paiement du prix fixé et le devoir d’assurer la livraison d’un
appareil sans défauts.
Se fondant sur la brutalité latente du droit subjectif, les doctrines
solidaristes, socialistes et marxistes en ont critiqué ou refusé la notion,
affirmant qu’elle conduisait à un excès de l’individualisme, à
l’absolutisme des droits et à la négation des devoirs. Auguste Comte
allait même jusqu’à dire que «l’homme n’a d’autre droit que celui de
faire son devoir». C’est une très belle maxime: civique, généreuse et
rayonnante. Mais à une condition cependant: c’est que tout le monde la
respecte. Sinon, elle ne vaut plus rien.
Juridiquement donc, il est exact que la notion de droit subjectif
ne doit raisonnablement être reçue et développée que parallèlement à la
notion de devoir, de contrainte, d’obligation. Mais cette remarque doit
être faite de manière générale, pour tous les droits et pour tous les
devoirs, pour tous les individus et pour tous les groupes membres d’une
société. Car l’interdépendance des individus dans une société donnée
n’est pas seulement l’interdépendance des fonctions et des communi-
cations, c’est aussi l’interdépendance des promesses, des engagements
et des efforts, l’interdépendance des droits et l’interdépendance des
devoirs. Et il est indéniable que la reconnaissance des droits subjectifs
est une condition de la réalité et de l’effectivité du droit objectif.
Le droit objectif, en effet, n’est le droit que s’il est effectivement
garanti par l’autorité publique et appliqué au profit des individus qu’il
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dit protéger. Le droit objectif assure la distribution générale des
comportements et des capacités à tous les individus et à tous les
groupes de la société politique. Il accorde une protection individualisée
et exclusive de ces comportements et de ces capacités contre les excès
ou les empiètements d’autrui. Et le droit subjectif, lui, confère à un
individu la faculté d’exiger impérieusement des autres le respect de ses
propres comportements conformes au droit objectif.
Ainsi, le droit subjectif est donc bien un rapport juridique entre
deux individus, dont l’un peut faire quelque chose, peut exercer un
pouvoir, et dont l’autre doit laisser faire ou supporter. Il institue donc
bien une certaine inégalité entre les individus, en conférant à un seul
une certaine puissance vis-à-vis des autres. Mais il faut bien savoir ce
qu’est le droit, au sens objectif. Le droit n’est pas la morale. Le droit
est une régulation politique et autoritaire de la vie sociale; il a pour
fonction générale, nous l’avons suffisamment indiqué, l’établissement
d’une discipline collective, par l’atténuation des égoïsmes individuels
et par la régulation, ou une certaine régulation, de la loi du plus fort. Le
droit doit donc réaliser l’équilibre entre le fort et le faible, et cela parmi
toutes les manifestations de la force et parmi toutes les manifestations
de la faiblesse, réalisant plus ou moins cette conception de la justice
exprimée par Joubert: «La justice est le droit du plus faible». Mais il faut
aussi savoir qui est le faible et qui est le fort. Il ne faut pas confondre,
ici, la justice et la charité, le droit et la morale. Le pauvre qui sollicite
une prestation est le plus faible devant le riche commerçant; mais
lorsqu’il a reçu ou même consommé la prestation demandée, et qu’il
doit alors en payer le prix convenu, c’est lui qui devient le plus fort. Il
demeure, sans doute, le plus faible économiquement, mais il est le plus
fort contractuellement, au sein de la relation juridique qu’il a instituée.
Et le commerçant qui a effectué la prestation bien avant d’en recevoir
le prix convenu devient, lui, le plus faible, sociologiquement parlant,
dans la relation instituée. Dès lors qu’il s’agit d’affermir le faible
devant le fort, il faut bien accepter d’accorder au plus faible, d’une
manière ou d’une autre, une puissance suffisante pour lui permettre
d’égaler, et même de surpasser, le fort. Le droit subjectif est le moyen
nécessaire pour lui accorder cette puissance. Et si le droit subjectif
devient abusif, c’est au droit objectif de le restreindre, mais pour tout le
monde, en établissant une nouvelle répartition de la force et de la
n’étaient pas suffisamment exigeants, presque plus personne ne paierait         dit protéger. Le droit objectif assure la distribution générale des
ses dettes. Lorsque l’EDF coupe l’électricité, il peut, certes, y avoir         comportements et des capacités à tous les individus et à tous les
intransigeance ou abus; mais si elle ne le faisait pas, son attitude ne         groupes de la société politique. Il accorde une protection individualisée
provoquerait-elle pas de nombreuses factures impayées? Dans une                 et exclusive de ces comportements et de ces capacités contre les excès
société organisée, l’abus des droits est critiquable, mais le refus des         ou les empiètements d’autrui. Et le droit subjectif, lui, confère à un
devoirs ne l’est pas moins.                                                     individu la faculté d’exiger impérieusement des autres le respect de ses
       Les devoirs: c’est avec eux que nous touchons le plus à                  propres comportements conformes au droit objectif.
l’ambiguïté de la notion de droit subjectif. Car le droit objectif définit à            Ainsi, le droit subjectif est donc bien un rapport juridique entre
la fois des droits et des devoirs, des prérogatives et des obligations. Et      deux individus, dont l’un peut faire quelque chose, peut exercer un
toute règle juridique peut être envisagée sous deux angles: sous l’angle        pouvoir, et dont l’autre doit laisser faire ou supporter. Il institue donc
de celui qui peut s’en prévaloir, mais aussi sous l’angle de celui qu’elle      bien une certaine inégalité entre les individus, en conférant à un seul
contraint. Lorsque j’achète un téléviseur ou un appareil ménager                une certaine puissance vis-à-vis des autres. Mais il faut bien savoir ce
quelconque, j’ai le droit d’exiger la livraison de l’appareil, mais j’ai le     qu’est le droit, au sens objectif. Le droit n’est pas la morale. Le droit
devoir d’en payer le prix au vendeur. Et le vendeur a, lui, le droit            est une régulation politique et autoritaire de la vie sociale; il a pour
d’exiger le paiement du prix fixé et le devoir d’assurer la livraison d’un      fonction générale, nous l’avons suffisamment indiqué, l’établissement
appareil sans défauts.                                                          d’une discipline collective, par l’atténuation des égoïsmes individuels
       Se fondant sur la brutalité latente du droit subjectif, les doctrines    et par la régulation, ou une certaine régulation, de la loi du plus fort. Le
solidaristes, socialistes et marxistes en ont critiqué ou refusé la notion,     droit doit donc réaliser l’équilibre entre le fort et le faible, et cela parmi
affirmant qu’elle conduisait à un excès de l’individualisme, à                  toutes les manifestations de la force et parmi toutes les manifestations
l’absolutisme des droits et à la négation des devoirs. Auguste Comte            de la faiblesse, réalisant plus ou moins cette conception de la justice
allait même jusqu’à dire que «l’homme n’a d’autre droit que celui de            exprimée par Joubert: «La justice est le droit du plus faible». Mais il faut
faire son devoir». C’est une très belle maxime: civique, généreuse et           aussi savoir qui est le faible et qui est le fort. Il ne faut pas confondre,
rayonnante. Mais à une condition cependant: c’est que tout le monde la          ici, la justice et la charité, le droit et la morale. Le pauvre qui sollicite
respecte. Sinon, elle ne vaut plus rien.                                        une prestation est le plus faible devant le riche commerçant; mais
       Juridiquement donc, il est exact que la notion de droit subjectif        lorsqu’il a reçu ou même consommé la prestation demandée, et qu’il
ne doit raisonnablement être reçue et développée que parallèlement à la         doit alors en payer le prix convenu, c’est lui qui devient le plus fort. Il
notion de devoir, de contrainte, d’obligation. Mais cette remarque doit         demeure, sans doute, le plus faible économiquement, mais il est le plus
être faite de manière générale, pour tous les droits et pour tous les           fort contractuellement, au sein de la relation juridique qu’il a instituée.
devoirs, pour tous les individus et pour tous les groupes membres d’une         Et le commerçant qui a effectué la prestation bien avant d’en recevoir
société. Car l’interdépendance des individus dans une société donnée            le prix convenu devient, lui, le plus faible, sociologiquement parlant,
n’est pas seulement l’interdépendance des fonctions et des communi-             dans la relation instituée. Dès lors qu’il s’agit d’affermir le faible
cations, c’est aussi l’interdépendance des promesses, des engagements           devant le fort, il faut bien accepter d’accorder au plus faible, d’une
et des efforts, l’interdépendance des droits et l’interdépendance des           manière ou d’une autre, une puissance suffisante pour lui permettre
devoirs. Et il est indéniable que la reconnaissance des droits subjectifs       d’égaler, et même de surpasser, le fort. Le droit subjectif est le moyen
est une condition de la réalité et de l’effectivité du droit objectif.          nécessaire pour lui accorder cette puissance. Et si le droit subjectif
       Le droit objectif, en effet, n’est le droit que s’il est effectivement   devient abusif, c’est au droit objectif de le restreindre, mais pour tout le
garanti par l’autorité publique et appliqué au profit des individus qu’il       monde, en établissant une nouvelle répartition de la force et de la

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