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particulièrement les Moscovites. Dès 1850, Carlotta Grisi lui succède
interprétant la Naïade et le pêcheur de Perrot. Invité à remplacer ce dernier,
Mazilier ne réussit qu’à le faire rappeler un an plus tard.
Pourtant, en Russie comme en Europe occidentale, le triomphe de la
ballerine détourne peu à peu le public de la recherche chorégraphique. Le
caractère absolu de Perrot se plie mal aux exigences de la direction. En 1859, il
quitte définitivement la Russie.
Cette même année arrive Arthur Saint-Léon. De 1859 à 1869, il monte
entre autres le Petit cheval bossu tiré d’un conte russe. Son départ va laisser la
première place à un artiste dont la personnalité s’impose chaque jour davantage.
Sa prodigieuse longévité a fait de Marius Petipa (1819–1910) le fondateur
en quelque sorte du ballet russe contemporain. Elle lui a permis à la fois d’être
l’élève de Vestris, de collaborer avec Perrot, de danser avec Elssler et de former
Fokine, Pavlova, Karsavina. C’est assez dire que Petipa constitue un maillon
précieux entre la tradition du XVIII
e
siècle, le romantisme et l’âge moderne.
Après s’être produit tour à tour à Nantes, aux Etats-Unis, à Paris, Bordeaux,
Madrid, il part pour la Russie où il demeurera plus de soixante ans. Tout
d’abord il se forme au contact de Perrot qu’il aide à monter Faust (1854). Dès
1847, il enseigne à l’Ecole impériale de Ballet dont il est inspecteur en 1855.
Quatre ans plus tard nommé maître de ballet, il régle le Marché des Innocents à
l’intention de son élève, devenue sa femme, Marie Sourovtchikova-Petipa qui
l’interprétera en 1861 à l’Opéra de Paris. Une absence de Saint-Léon permet au
chorégraphe de régler en 1862 pour Carolina Rosati un ouvrage grandiose la
Fille du Pharaon, d’après Théophile Gautier. Enfin, le départ de Saint-Léon
permet à Petipa de présider aux destinées du ballet russe pour lequel il réglera
une cinquantaine de ballets, en remontera près de soixante-dix et composera
près de trente-cinq divertissements d’opéra. Répondant aux exigences
contemporaines, ces ouvrages classiques utilisent judicieusement corps de
ballet et solistes; ils s’inspirent de la féerie romantique tel Trilby (1871) d’après
Nodier. Montés avec luxe, ils sont dépourvus d’intérêt dramatique, car les
entrées de bravoure, interrompent sans cesse l’action. Pour remédier à ce
défaut, le chorégraphe fait appel à l’historien Khoudenkov avec qui il conçoit la
Bayadère (1877) et Roxane (1878) créés par la brillante technicienne Vazem et
la gracieuse Ekaterina Sokolova.
En 1881, Vsevolojski, homme cultivé et énergique, accède au poste de
directeur des Théâtres impériaux. Installés à partir de 1885 dans le vaste théâtre
Marynsky, directeur, danseurs et chanteurs dépendent directement du Tzar qui
en réponse à une discipline stricte leur assure jusqu’à leur mort une aisance
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honorable. Contrairement à ce qui se passe dans le reste de l’Europe, des
sommes importantes sont alors consacrées au ballet, égal de l’opéra; des soirées
complètes sont dédiées à la danse permettant la création d’ouvrages importants.
De plus, le fécond maître de ballet peut reprendre et remanier de nombreux
chefs-d’œuvre anciens telles la Sylphide, la Fille mal gardée, Giselle, la
Esméralda. En 1885, la «divine» Virginia Zucchi fait apprécier au Marynsky
ses pointes d’acier et son tempérament ardent. L’année suivante Vsevolojski
supprime l’emploi de compositeur de «musique de ballet» tenu d’abord par
Pugni, puis par Minkus. Désormais Petipa devra faire appel à des musiciens de
qualité dont le plus illustre demeure Tchaïkowsky. Cette collaboration féconde
donnera naissance à trois chefs-d’œuvre.
La Belle au bois dormant est créée le 3 janvier 1890 par l’Italienne
Carlotta Brianza entourée de Marie Petipa fille du chorégraphe et de Pavel
Gerdt. Un autre Italien, Enrico Cecchetti incarne le bondissant Oiseau bleu, sa
virtuosité éblouissante contribue à revaloriser la danse masculine. En 1892,
Petipa souffrant doit abandonner Casse-Noisette à son second, Lev Ivanov
(1834–1901). Celui-ci excelle dans les variations de caractère et reste dans
l’ensemble fidèle au style de son maître. Il affirme son lyrisme dans le Lac des
cygnes (1895) dont il régle les actes II et IV tandis que Petipa se charge des I
er
et III
e
. L’œuvre qui est triomphalement accueillie un an après la mort du
compositeur avait connu en 1877 un relatif échec au théâtre Bolchoï de
Moscou. Tour à tour princesse-cygne et fille de l’enchanteur Rothbart, Pierrina
Legnani exécute pour la première fois une cascade de trente-deux fouettés
restée célèbre dans les annales de cet art. En 1898, elle crée Raymonda, sur une
partition de Glazounov. Bien qu’il ait renoncé au ballet-pantomime cher à
Perrot pour le ballet-féerie, le vieux chorégraphe sait admirablement renouveler
ses effets, régler variations, adages, mouvements d’ensemble, enchaîner
logiquement les uns et les autres, utiliser les ressources de la nouvelle virtuosité
italienne. Karsavina dira de lui: «Il avait beaucoup d’imagination
chorégraphique, un tact infaillible dans l’emploi des coups de théâtre et un
véritable sens des effets scéniques».
Dans ses dernières aannées, il trouve heureusement des interprètes de
qualité parmi les danseurs sortis de l’Ecole de Danse. Ceux-ci ont en effet suivi
l’enseignement du pédagogue suédois Christian Johanson (1817–1903). Elève
lui-même de Bournonville, celui-ci transmet aux Russes la tradition
progressivement oubliée en France. A cette école, les Slaves apportent leur
lyrisme inné et adjoignent une part de la virtuosité mise à la mode par les
visiteurs italiens.
particulièrement les Moscovites. Dès 1850, Carlotta Grisi lui succède honorable. Contrairement à ce qui se passe dans le reste de l’Europe, des interprétant la Naïade et le pêcheur de Perrot. Invité à remplacer ce dernier, sommes importantes sont alors consacrées au ballet, égal de l’opéra; des soirées Mazilier ne réussit qu’à le faire rappeler un an plus tard. complètes sont dédiées à la danse permettant la création d’ouvrages importants. Pourtant, en Russie comme en Europe occidentale, le triomphe de la De plus, le fécond maître de ballet peut reprendre et remanier de nombreux ballerine détourne peu à peu le public de la recherche chorégraphique. Le chefs-d’œuvre anciens telles la Sylphide, la Fille mal gardée, Giselle, la caractère absolu de Perrot se plie mal aux exigences de la direction. En 1859, il Esméralda. En 1885, la «divine» Virginia Zucchi fait apprécier au Marynsky quitte définitivement la Russie. ses pointes d’acier et son tempérament ardent. L’année suivante Vsevolojski Cette même année arrive Arthur Saint-Léon. De 1859 à 1869, il monte supprime l’emploi de compositeur de «musique de ballet» tenu d’abord par entre autres le Petit cheval bossu tiré d’un conte russe. Son départ va laisser la Pugni, puis par Minkus. Désormais Petipa devra faire appel à des musiciens de première place à un artiste dont la personnalité s’impose chaque jour davantage. qualité dont le plus illustre demeure Tchaïkowsky. Cette collaboration féconde Sa prodigieuse longévité a fait de Marius Petipa (1819–1910) le fondateur donnera naissance à trois chefs-d’œuvre. en quelque sorte du ballet russe contemporain. Elle lui a permis à la fois d’être La Belle au bois dormant est créée le 3 janvier 1890 par l’Italienne l’élève de Vestris, de collaborer avec Perrot, de danser avec Elssler et de former Carlotta Brianza entourée de Marie Petipa fille du chorégraphe et de Pavel Fokine, Pavlova, Karsavina. C’est assez dire que Petipa constitue un maillon Gerdt. Un autre Italien, Enrico Cecchetti incarne le bondissant Oiseau bleu, sa précieux entre la tradition du XVIIIe siècle, le romantisme et l’âge moderne. virtuosité éblouissante contribue à revaloriser la danse masculine. En 1892, Après s’être produit tour à tour à Nantes, aux Etats-Unis, à Paris, Bordeaux, Petipa souffrant doit abandonner Casse-Noisette à son second, Lev Ivanov Madrid, il part pour la Russie où il demeurera plus de soixante ans. Tout (1834–1901). Celui-ci excelle dans les variations de caractère et reste dans d’abord il se forme au contact de Perrot qu’il aide à monter Faust (1854). Dès l’ensemble fidèle au style de son maître. Il affirme son lyrisme dans le Lac des 1847, il enseigne à l’Ecole impériale de Ballet dont il est inspecteur en 1855. cygnes (1895) dont il régle les actes II et IV tandis que Petipa se charge des Ier Quatre ans plus tard nommé maître de ballet, il régle le Marché des Innocents à et IIIe. L’œuvre qui est triomphalement accueillie un an après la mort du l’intention de son élève, devenue sa femme, Marie Sourovtchikova-Petipa qui compositeur avait connu en 1877 un relatif échec au théâtre Bolchoï de l’interprétera en 1861 à l’Opéra de Paris. Une absence de Saint-Léon permet au Moscou. Tour à tour princesse-cygne et fille de l’enchanteur Rothbart, Pierrina chorégraphe de régler en 1862 pour Carolina Rosati un ouvrage grandiose la Legnani exécute pour la première fois une cascade de trente-deux fouettés Fille du Pharaon, d’après Théophile Gautier. Enfin, le départ de Saint-Léon restée célèbre dans les annales de cet art. En 1898, elle crée Raymonda, sur une permet à Petipa de présider aux destinées du ballet russe pour lequel il réglera partition de Glazounov. Bien qu’il ait renoncé au ballet-pantomime cher à une cinquantaine de ballets, en remontera près de soixante-dix et composera Perrot pour le ballet-féerie, le vieux chorégraphe sait admirablement renouveler près de trente-cinq divertissements d’opéra. Répondant aux exigences ses effets, régler variations, adages, mouvements d’ensemble, enchaîner contemporaines, ces ouvrages classiques utilisent judicieusement corps de logiquement les uns et les autres, utiliser les ressources de la nouvelle virtuosité ballet et solistes; ils s’inspirent de la féerie romantique tel Trilby (1871) d’après italienne. Karsavina dira de lui: «Il avait beaucoup d’imagination Nodier. Montés avec luxe, ils sont dépourvus d’intérêt dramatique, car les chorégraphique, un tact infaillible dans l’emploi des coups de théâtre et un entrées de bravoure, interrompent sans cesse l’action. Pour remédier à ce véritable sens des effets scéniques». défaut, le chorégraphe fait appel à l’historien Khoudenkov avec qui il conçoit la Dans ses dernières aannées, il trouve heureusement des interprètes de Bayadère (1877) et Roxane (1878) créés par la brillante technicienne Vazem et qualité parmi les danseurs sortis de l’Ecole de Danse. Ceux-ci ont en effet suivi la gracieuse Ekaterina Sokolova. l’enseignement du pédagogue suédois Christian Johanson (1817–1903). Elève En 1881, Vsevolojski, homme cultivé et énergique, accède au poste de lui-même de Bournonville, celui-ci transmet aux Russes la tradition directeur des Théâtres impériaux. Installés à partir de 1885 dans le vaste théâtre progressivement oubliée en France. A cette école, les Slaves apportent leur Marynsky, directeur, danseurs et chanteurs dépendent directement du Tzar qui lyrisme inné et adjoignent une part de la virtuosité mise à la mode par les en réponse à une discipline stricte leur assure jusqu’à leur mort une aisance visiteurs italiens. 35 36
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