Сборник текстов на французском языке (для студентов факультета культуры и искусств). Литвинова В.М. - 27 стр.

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La diversité de ses expériences, loccasion quil avait eue à la tête du
Théâtre des Quatre-Saisons, d’éprouver sa conception dun théâtre populaire lui
avaient appris la nécessité du contact avec le «vrai public, large, mélangé, le
plus humain, cest-à-dire le mieux choisi».
Pour ceux qui avaient 20 ans en 1944, sa mise en scène de l’Antigone
dAnouilh fut un événement.
LE THÉÂTRE EST-IL NECESSAIRE ?
A cette approche de Freud, théorie du spectateur énoncée dun point de vue
de spectateur, répondent, selon une nette symétrie, les analyses de Stanislavski:
théorie de lacteur, pensée depuis la position d’acteur. Autant Freud, de son
côté, et pas seulement dans ce texte bien sûr, tente danalyser ce que voit le
regard porté sur la représentation, autant Stanislavski essaie de mettre à jour ce
que montre celui qui représente. Leur contemporanéité est frappante, même si
les principaux textes du metteur en scène russe sont un peu plus tardifs que le
petit écrit du fondateur de la psychanalyse. Ni lun ni lautre ne se satisfont des
visées conscientes, quoique Stanislavski, si lon en juge par les versions
françaises disponibles, parle plus volontiers de sub- (que d’in-) conscient. En
tout cas, comme Freud et beaucoup d’autrès, il tient pour indiscutable l’écart
entre lacteur et ce qu’il joue. De par son point de vue (dacteur), il se place
même, peut-on dire, exactement au creux de cet écart, dans lentre-deux de la
fourche. Et tout lobjet de son travail est de déterminer des procédures afin de
rapprocher le plus possible, de faire se joindre ces deux branches que tout
sépare, foncièrement distantes lune de lautre. Il sagit de parvenir au point où
sera «établi ce contact entre votre vie et votre rôle». «Vous devez penser, lutter,
sentir et agir en communion avec votre personnage». La distance entre le joueur
et la chose à jouer structure la donne initiale, il faut tout faire pour la réduire.
C’est le mouvement même de lidentification.
Pour désigner le point de conjonction qu’il faut atteindre, Stanislavski
nemploie pas ce terme, mais dit: vivre son rôle, ou vivre son personnage.
«Dans notre art, cest à chaque instant de votre rôle, et chaque fois que vous
jouez, que vous devez vivre votre personnage. ...Etudiez ce qui est à la base de
notre système: vivez votre rôle». Que veut dire: vivre son rôle? Ce que lon vit,
dordinaire, cest sa vie. Vivre son rôle, cest engager sa vie propre dans la vie
supposée de son rôle. En même si lon entend lexpression au sens d’«éprouver
intensément», comme lorqu’on dit «vivre une situation, un événement», cela
revient au même, au bout du compte: car dans ce sens, vivre son rôle, cest
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éprouver intensément les sentiments qui font, ou portent, la vie du rôle. «Si lon
ne vit pas son personnage, il ne peut y avoir d’art véritable; et cela ne
commence que lorsque les sentiments interviennen». Vivre, cest dabord sentir.
Les actions sarticulent aux sentiments. Il ne sagit pas de les représenter, ou de
les imiter, mais bien de les vivre: Stanislavski soppose par là à ce quil appelle
«l’école de la représentation», dont les tenants reproduisent des «formes».
Ceux-là «pensent souvent qu’il vaut mieux, une fois leur plan établi, ne rien
sentir du tout». Dautrès, qui pratiquent ce quil appelle un «jeu mécanique»,
«ne cherchent pas à éprouver les sentiments du personnage». A lun deux, il
reproche: «Et avec quoi [avez-vous abordé votre rôle]? De vrais sentiments,
correspondant à ceux du personnage que vous incarnez? Vous nen éprouviez
aucun».
Le but est donc d’entrer en relation étroite avec les sentiments supposés du
rôle. Stanislavski décompose avec soin le processus de cette supposition.
Lanalyse est fine, lidentification dont il sagit ici nopère pas de façon
immédiate ou massive: ce qui donne au «système» cette élaboration complexe
qui le caractérise. Le lien est actif dans les deux sens: «Il faut dabord assimiler
votre modèle». Ici, on intègre les données du rôle, on se les incorpore, la
relation est orientée du personnage vers le comédien. «C’est en travaillant ainsi
... que vous parviendrez à l’animer de vos propres sentiments». Là, en
revanche, le travail se porte de la vie propre de lacteur vers son rôle: la flèche
identificatrice est inversement dirigée. C’est une des richesses de la méthode,
qui n’en manque pas; le travail prend appui sur les deux pôles; il ne prescrit pas
seulement une ingestion des données supposées du personnage; il projette tout
autant dans celui-ci des motions propres de lacteur. Il associe également de
façon élaborée le sentir et l’agir, articulés par la supposition, la technique du si:
«Les sentiments ainsi éveillés sexprimeront par les actes mêmes qui auraient
été ceux de ce personnage imaginaire sil s’était trouvé dans les circonstances
de la pièce». Et lon sait que sur ce point la réflexion de Stanislavski ne cessera
de sapprofondir, jusqu’à la «méthode des actions physiques», qui tardivement
semblera presque retourner larticulation mimétique: puisqu’à linverse du
schéma courant il sagira de se fonder sur le réel du comportement scénique
pour en déduire les corrélations narratives.
Ce qui nous importe ici, cest que dans tous les cas la réalité du personnage
est inlassablement posée comme imaginaire. «Vous savez tous maintenant que
nous devons aborder une pièce en commençant par le si, qui sert de clef pour
nous faire passer de la vie de tous les jours dans le domaine de limagination.
La pièce, les personnages sont une invention de lauteur, une série de
     La diversité de ses expériences, l’occasion qu’il avait eue à la tête du          éprouver intensément les sentiments qui font, ou portent, la vie du rôle. «Si l’on
Théâtre des Quatre-Saisons, d’éprouver sa conception d’un théâtre populaire lui        ne “vit” pas son personnage, il ne peut y avoir d’art véritable; et cela ne
avaient appris la nécessité du contact avec le «vrai public, large, mélangé, le        commence que lorsque les sentiments interviennen». Vivre, c’est d’abord sentir.
plus humain, c’est-à-dire le mieux choisi».                                            Les actions s’articulent aux sentiments. Il ne s’agit pas de les représenter, ou de
     Pour ceux qui avaient 20 ans en 1944, sa mise en scène de l’Antigone              les imiter, mais bien de les vivre: Stanislavski s’oppose par là à ce qu’il appelle
d’Anouilh fut un événement.                                                            «l’école de la représentation», dont les tenants reproduisent des «formes».
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               LE THÉÂTRE EST-IL NECESSAIRE ?                                          sentir du tout». D’autrès, qui pratiquent ce qu’il appelle un «jeu mécanique»,
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     A cette approche de Freud, théorie du spectateur énoncée d’un point de vue        reproche: «Et avec quoi [avez-vous abordé votre rôle]? De vrais sentiments,
de spectateur, répondent, selon une nette symétrie, les analyses de Stanislavski:      correspondant à ceux du personnage que vous incarnez? Vous n’en éprouviez
théorie de l’acteur, pensée depuis la position d’acteur. Autant Freud, de son          aucun».
côté, et pas seulement dans ce texte bien sûr, tente d’analyser ce que voit le              Le but est donc d’entrer en relation étroite avec les sentiments supposés du
regard porté sur la représentation, autant Stanislavski essaie de mettre à jour ce     rôle. Stanislavski décompose avec soin le processus de cette supposition.
que montre celui qui représente. Leur contemporanéité est frappante, même si           L’analyse est fine, l’identification dont il s’agit ici n’opère pas de façon
les principaux textes du metteur en scène russe sont un peu plus tardifs que le        immédiate ou massive: ce qui donne au «système» cette élaboration complexe
petit écrit du fondateur de la psychanalyse. Ni l’un ni l’autre ne se satisfont des    qui le caractérise. Le lien est actif dans les deux sens: «Il faut d’abord assimiler
visées conscientes, quoique Stanislavski, si l’on en juge par les versions             votre modèle». Ici, on intègre les données du rôle, on se les incorpore, la
françaises disponibles, parle plus volontiers de sub- (que d’in-) conscient. En        relation est orientée du personnage vers le comédien. «C’est en travaillant ainsi
tout cas, comme Freud et beaucoup d’autrès, il tient pour indiscutable l’écart         ... que vous parviendrez à l’animer de vos propres sentiments». Là, en
entre l’acteur et ce qu’il joue. De par son point de vue (d’acteur), il se place       revanche, le travail se porte de la vie propre de l’acteur vers son rôle: la flèche
même, peut-on dire, exactement au creux de cet écart, dans l’entre-deux de la          identificatrice est inversement dirigée. C’est une des richesses de la méthode,
fourche. Et tout l’objet de son travail est de déterminer des procédures afin de       qui n’en manque pas; le travail prend appui sur les deux pôles; il ne prescrit pas
rapprocher le plus possible, de faire se joindre ces deux branches que tout            seulement une ingestion des données supposées du personnage; il projette tout
sépare, foncièrement distantes l’une de l’autre. Il s’agit de parvenir au point où     autant dans celui-ci des motions propres de l’acteur. Il associe également de
sera «établi ce contact entre votre vie et votre rôle». «Vous devez penser, lutter,    façon élaborée le sentir et l’agir, articulés par la supposition, la technique du si:
sentir et agir en communion avec votre personnage». La distance entre le joueur        «Les sentiments ainsi éveillés s’exprimeront par les actes mêmes qui auraient
et la chose à jouer structure la donne initiale, il faut tout faire pour la réduire.   été ceux de ce personnage imaginaire s’il s’était trouvé dans les circonstances
C’est le mouvement même de l’identification.                                           de la pièce». Et l’on sait que sur ce point la réflexion de Stanislavski ne cessera
     Pour désigner le point de conjonction qu’il faut atteindre, Stanislavski          de s’approfondir, jusqu’à la «méthode des actions physiques», qui tardivement
n’emploie pas ce terme, mais dit: vivre son rôle, ou vivre son personnage.             semblera presque retourner l’articulation mimétique: puisqu’à l’inverse du
«Dans notre art, c’est à chaque instant de votre rôle, et chaque fois que vous         schéma courant il s’agira de se fonder sur le réel du comportement scénique
jouez, que vous devez vivre votre personnage. ...Etudiez ce qui est à la base de       pour en déduire les corrélations narratives.
notre système: vivez votre rôle». Que veut dire: vivre son rôle? Ce que l’on vit,           Ce qui nous importe ici, c’est que dans tous les cas la réalité du personnage
d’ordinaire, c’est sa vie. Vivre son rôle, c’est engager sa vie propre dans la vie     est inlassablement posée comme imaginaire. «Vous savez tous maintenant que
supposée de son rôle. En même si l’on entend l’expression au sens d’«éprouver          nous devons aborder une pièce en commençant par le si, qui sert de clef pour
intensément», comme lorqu’on dit «vivre une situation, un événement», cela             nous faire passer de la vie de tous les jours dans le domaine de l‘imagination.
revient au même, au bout du compte: car dans ce sens, vivre son rôle, c’est            La pièce, les personnages sont une invention de l’auteur, une série de
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