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suppositions, de si, de circonstances imaginés par lui. Sur la scène, la réalité
n’existe pas. L’art est un produit de l’imagination, comme l’œuvre du
dramaturge. Le but de l’acteur doit être de se servir de sa technique pour
transformer la pièce en une réalité dramatique. Dans cette opération,
l’imagination joue de loin le rôle le plus important». Le paysage est désormais
saturé d’imaginaire. Le personnage, comme la pièce, sont des entités fictives,
dont le devenir-actif est enclenché par des suppositions, des si. Devant ces
entités, l’action de l’acteur consiste en deux opérations étrangement inverses:
aborder la pièce à l’aide de ses propres suppositions, afin de faire passer de la
vie de tous les jours dans le domaine de l’imagination. Il s’agit alors, on
l’apprendra dans les pages suivantes, de combler imaginairement les vides
laissés par l’imaginaire du texte. Le texte ne sature pas l’imaginaire, il n’en
donne qu’un tracé lacunaire, intermittent: les répliques, les indications
scéniques sont toujours trop pauvres. A l’acteur de pallier ces manques, par ses
propres ressources imaginantes. Puis, il devra utiliser sa technique pour opérer
une sorte de mouvement retour, et transformer la pièce (imaginaire, elle) en une
réalité dramatique, c’est-à-dire en cette sorte de réalité déterminée qui se
produit sur la scène: non pas la réalité externe, qui en est absente, mais la réalité
proprement scénique, dramatique, la réalité du jeu et de la représentation. Et
dans cette deuxième phase, l’imagination est encore désignée comme l’agent
décisif. C’est pourquoi, si l’acteur veut se rendre apte à réaliser l’ensemble de
cette opération, son imagination doit être activée, développée, enrichie, mise au
travail. C’est elle qui doit le rendre apte à faire fonctionner, doublement, la mise
en relation du réel (du jeu) avec l’imaginaire (du rôle). L’imagination est cet
opérateur par lequel l’acteur se transporte dans l’image, et affecte à la
présentation de l’image l’activité de son corps, de sa vie. Mouvement
ininterrompu d’aller-retour: de transfert (imagination) vers le rôle, et de
reconversion de l’image ainsi investie en effectivité dramatique, scénique.
Ainsi, l’imaginaire est partout: à toutes les commandes, à tous les rouages,
il tient tous les collets et courroies de cette machine. Le voici décidément
maître du jeu. C’est lui qui embraie et recueille l’identification, celle de
l’acteur, comme chez Freud il tenait sous sa prise celle du spectateur. Et cette
identification est active. Elle permet à l’acteur de n’être plus spectateur de son
rôle. «Vous pouvez vous dire: “Je vais rester un simple spectateur, observer ce
que mon imagination me suggère, tout en ne prenant aucune part à cette vie”.
Ou bien, si vous décidez de vous joindre aux activités de cette vie, vous allez
vous représenter mentalement au milieu de vos partenaires et vous serez encore
un spectateur passif. A la fin, vous serez fatigué, d’être toujours spectateur, et
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vous aurez envie d’agir. Alors, en tant que participant actif à cette vie
imaginaire, vous ne vous verrez plus vous-même, mais seulement ce qui vous
entoure et vivant réellement dans ce milieu vous réagirez intérieurement».
Freud, nous l’avons vu, caractérisait en quelque sorte le spectateur comme celui
qui s’ennuie. S’ennuie de sa vie, dont il veut combler imaginairement les vides.
Stanislavski complète le dispositif. Pour lui, «le véritable acteur est celui qui
désire créer en lui-même une autre vie plus profonde, plus intéressante que celle
qui l’entoure en réalité». Tous deux s’alimentent donc, initialement, à la source
d’une profonde insatisfaction devant la vie comme elle est. L’acteur passe à
l’acte. Mais cette action dramatique, compensation de la vie manquante,
lacunaire, creuse, est une action de l’imaginaire encore. Ainsi l’imaginaire
devient-il pratique, agissant. Le théâtre est ce champ qui permet désormais de
vivre l’imaginaire, de le pratiquer. Déjà le regard était renvoyé vers les images.
Voici que la pratique du théâtre elle-même se sature d’imagination, devient un
imaginaire activé. La vie du théâtre est désormais une vie imaginaire, elle est ce
domaine singulier qui se montre capable de donner vie à l’imaginaire, d’en faire
un imaginaire vivant.
C’est peut-être Sartre qui donnera de ce schéma le dessin le plus rigoureux.
L’acteur, écrit-il, «vit tout entier sur un monde irréel. Et peu importe qu’il
pleure réellement, dans l’emportement du rôle. [...] Il se fait ici une
transformation semblable à celle que nous indiquions dans le rêve: l’acteur est
happé, inspiré tout entier par l’irréel. Ce n’est pas le personnage qui se réalise
dans l’acteur, c’est l’acteur qui s’irréalise dans son personnage». Mais le
spectateur n’est pas épargné par ce mouvement. «L’irréel ne peut être vu,
touché, flairé qu’irréellement. [...] Il ne peut agir que sur un être irréel». Acteur
effectif et spectateurs concrets se sont éclipsés de la nouvelle donne. L’irréalité
du théâtre est devenue sa puissance propre, le régime déterminé de sa
constitution.
Or, ce système que nous venons de décrire – dont l’identification cheville
les différentes instances, l’acteur avec son rôle, le public avec le spectateur et
celui-ci avec le héros – n’est pas, non plus, le système de notre expérience.
Nous ne pouvons plus formuler en ces termes ce qui nous arrive, ce que nous
faisons ou voyons au théâtre. Cette phase de notre histoire s’est éloignée de
nous – ou nous nous en sommes éloignés – aussi sûrement que nous sommes
devenus étrangers à celle que dépeint la Poétique. Elle nous paraît plus proche,
et elle l’est, chronologiquement. Au point qu’elle voile notre expérience, que
nous tentons d’interpréter à l’aide de ses catégories. Mais si l’on observe, l’œil
dessillé, ce qui a lieu, le constat est certain: de cette économie, nous sommes
suppositions, de si, de circonstances imaginés par lui. Sur la scène, la réalité vous aurez envie d’agir. Alors, en tant que participant actif à cette vie n’existe pas. L’art est un produit de l’imagination, comme l’œuvre du imaginaire, vous ne vous verrez plus vous-même, mais seulement ce qui vous dramaturge. Le but de l’acteur doit être de se servir de sa technique pour entoure et vivant réellement dans ce milieu vous réagirez intérieurement». transformer la pièce en une réalité dramatique. Dans cette opération, Freud, nous l’avons vu, caractérisait en quelque sorte le spectateur comme celui l’imagination joue de loin le rôle le plus important». Le paysage est désormais qui s’ennuie. S’ennuie de sa vie, dont il veut combler imaginairement les vides. saturé d’imaginaire. Le personnage, comme la pièce, sont des entités fictives, Stanislavski complète le dispositif. Pour lui, «le véritable acteur est celui qui dont le devenir-actif est enclenché par des suppositions, des si. Devant ces désire créer en lui-même une autre vie plus profonde, plus intéressante que celle entités, l’action de l’acteur consiste en deux opérations étrangement inverses: qui l’entoure en réalité». Tous deux s’alimentent donc, initialement, à la source aborder la pièce à l’aide de ses propres suppositions, afin de faire passer de la d’une profonde insatisfaction devant la vie comme elle est. L’acteur passe à vie de tous les jours dans le domaine de l’imagination. Il s’agit alors, on l’acte. Mais cette action dramatique, compensation de la vie manquante, l’apprendra dans les pages suivantes, de combler imaginairement les vides lacunaire, creuse, est une action de l’imaginaire encore. Ainsi l’imaginaire laissés par l’imaginaire du texte. Le texte ne sature pas l’imaginaire, il n’en devient-il pratique, agissant. Le théâtre est ce champ qui permet désormais de donne qu’un tracé lacunaire, intermittent: les répliques, les indications vivre l’imaginaire, de le pratiquer. Déjà le regard était renvoyé vers les images. scéniques sont toujours trop pauvres. A l’acteur de pallier ces manques, par ses Voici que la pratique du théâtre elle-même se sature d’imagination, devient un propres ressources imaginantes. Puis, il devra utiliser sa technique pour opérer imaginaire activé. La vie du théâtre est désormais une vie imaginaire, elle est ce une sorte de mouvement retour, et transformer la pièce (imaginaire, elle) en une domaine singulier qui se montre capable de donner vie à l’imaginaire, d’en faire réalité dramatique, c’est-à-dire en cette sorte de réalité déterminée qui se un imaginaire vivant. produit sur la scène: non pas la réalité externe, qui en est absente, mais la réalité C’est peut-être Sartre qui donnera de ce schéma le dessin le plus rigoureux. proprement scénique, dramatique, la réalité du jeu et de la représentation. Et L’acteur, écrit-il, «vit tout entier sur un monde irréel. Et peu importe qu’il dans cette deuxième phase, l’imagination est encore désignée comme l’agent pleure réellement, dans l’emportement du rôle. [...] Il se fait ici une décisif. C’est pourquoi, si l’acteur veut se rendre apte à réaliser l’ensemble de transformation semblable à celle que nous indiquions dans le rêve: l’acteur est cette opération, son imagination doit être activée, développée, enrichie, mise au happé, inspiré tout entier par l’irréel. Ce n’est pas le personnage qui se réalise travail. C’est elle qui doit le rendre apte à faire fonctionner, doublement, la mise dans l’acteur, c’est l’acteur qui s’irréalise dans son personnage». Mais le en relation du réel (du jeu) avec l’imaginaire (du rôle). L’imagination est cet spectateur n’est pas épargné par ce mouvement. «L’irréel ne peut être vu, opérateur par lequel l’acteur se transporte dans l’image, et affecte à la touché, flairé qu’irréellement. [...] Il ne peut agir que sur un être irréel». Acteur présentation de l’image l’activité de son corps, de sa vie. Mouvement effectif et spectateurs concrets se sont éclipsés de la nouvelle donne. L’irréalité ininterrompu d’aller-retour: de transfert (imagination) vers le rôle, et de du théâtre est devenue sa puissance propre, le régime déterminé de sa reconversion de l’image ainsi investie en effectivité dramatique, scénique. constitution. Ainsi, l’imaginaire est partout: à toutes les commandes, à tous les rouages, Or, ce système que nous venons de décrire – dont l’identification cheville il tient tous les collets et courroies de cette machine. Le voici décidément les différentes instances, l’acteur avec son rôle, le public avec le spectateur et maître du jeu. C’est lui qui embraie et recueille l’identification, celle de celui-ci avec le héros – n’est pas, non plus, le système de notre expérience. l’acteur, comme chez Freud il tenait sous sa prise celle du spectateur. Et cette Nous ne pouvons plus formuler en ces termes ce qui nous arrive, ce que nous identification est active. Elle permet à l’acteur de n’être plus spectateur de son faisons ou voyons au théâtre. Cette phase de notre histoire s’est éloignée de rôle. «Vous pouvez vous dire: “Je vais rester un simple spectateur, observer ce nous – ou nous nous en sommes éloignés – aussi sûrement que nous sommes que mon imagination me suggère, tout en ne prenant aucune part à cette vie”. devenus étrangers à celle que dépeint la Poétique. Elle nous paraît plus proche, Ou bien, si vous décidez de vous joindre aux activités de cette vie, vous allez et elle l’est, chronologiquement. Au point qu’elle voile notre expérience, que vous représenter mentalement au milieu de vos partenaires et vous serez encore nous tentons d’interpréter à l’aide de ses catégories. Mais si l’on observe, l’œil un spectateur passif. A la fin, vous serez fatigué, d’être toujours spectateur, et dessillé, ce qui a lieu, le constat est certain: de cette économie, nous sommes 55 56
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