Сборник текстов на французском языке (для студентов факультета культуры и искусств). Литвинова В.М. - 28 стр.

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suppositions, de si, de circonstances imaginés par lui. Sur la scène, la réalité
nexiste pas. Lart est un produit de limagination, comme l’œuvre du
dramaturge. Le but de lacteur doit être de se servir de sa technique pour
transformer la pièce en une réalité dramatique. Dans cette opération,
l’imagination joue de loin le rôle le plus important». Le paysage est désormais
saturé d’imaginaire. Le personnage, comme la pièce, sont des entités fictives,
dont le devenir-actif est enclenché par des suppositions, des si. Devant ces
entités, laction de lacteur consiste en deux opérations étrangement inverses:
aborder la pièce à laide de ses propres suppositions, afin de faire passer de la
vie de tous les jours dans le domaine de limagination. Il sagit alors, on
lapprendra dans les pages suivantes, de combler imaginairement les vides
laissés par limaginaire du texte. Le texte ne sature pas limaginaire, il n’en
donne quun tracé lacunaire, intermittent: les répliques, les indications
scéniques sont toujours trop pauvres. A lacteur de pallier ces manques, par ses
propres ressources imaginantes. Puis, il devra utiliser sa technique pour opérer
une sorte de mouvement retour, et transformer la pièce (imaginaire, elle) en une
réalité dramatique, cest-à-dire en cette sorte de réalité déterminée qui se
produit sur la scène: non pas la réalité externe, qui en est absente, mais la réalité
proprement scénique, dramatique, la réalité du jeu et de la représentation. Et
dans cette deuxième phase, limagination est encore désignée comme lagent
décisif. C’est pourquoi, si lacteur veut se rendre apte à réaliser lensemble de
cette opération, son imagination doit être activée, développée, enrichie, mise au
travail. C’est elle qui doit le rendre apte à faire fonctionner, doublement, la mise
en relation du réel (du jeu) avec limaginaire (du rôle). Limagination est cet
opérateur par lequel lacteur se transporte dans limage, et affecte à la
présentation de limage lactivité de son corps, de sa vie. Mouvement
ininterrompu daller-retour: de transfert (imagination) vers le rôle, et de
reconversion de limage ainsi investie en effectivité dramatique, scénique.
Ainsi, limaginaire est partout: à toutes les commandes, à tous les rouages,
il tient tous les collets et courroies de cette machine. Le voici décidément
maître du jeu. C’est lui qui embraie et recueille lidentification, celle de
lacteur, comme chez Freud il tenait sous sa prise celle du spectateur. Et cette
identification est active. Elle permet à lacteur de n’être plus spectateur de son
rôle. «Vous pouvez vous dire: Je vais rester un simple spectateur, observer ce
que mon imagination me suggère, tout en ne prenant aucune part à cette vie.
Ou bien, si vous décidez de vous joindre aux activités de cette vie, vous allez
vous représenter mentalement au milieu de vos partenaires et vous serez encore
un spectateur passif. A la fin, vous serez fatigué, d’être toujours spectateur, et
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vous aurez envie d’agir. Alors, en tant que participant actif à cette vie
imaginaire, vous ne vous verrez plus vous-même, mais seulement ce qui vous
entoure et vivant réellement dans ce milieu vous réagirez intérieurement».
Freud, nous lavons vu, caractérisait en quelque sorte le spectateur comme celui
qui sennuie. Sennuie de sa vie, dont il veut combler imaginairement les vides.
Stanislavski complète le dispositif. Pour lui, «le véritable acteur est celui qui
désire créer en lui-même une autre vie plus profonde, plus intéressante que celle
qui lentoure en réalité». Tous deux salimentent donc, initialement, à la source
dune profonde insatisfaction devant la vie comme elle est. Lacteur passe à
lacte. Mais cette action dramatique, compensation de la vie manquante,
lacunaire, creuse, est une action de limaginaire encore. Ainsi limaginaire
devient-il pratique, agissant. Le théâtre est ce champ qui permet désormais de
vivre limaginaire, de le pratiquer. Déjà le regard était renvoyé vers les images.
Voici que la pratique du théâtre elle-même se sature d’imagination, devient un
imaginaire activé. La vie du théâtre est désormais une vie imaginaire, elle est ce
domaine singulier qui se montre capable de donner vie à limaginaire, den faire
un imaginaire vivant.
C’est peut-être Sartre qui donnera de ce schéma le dessin le plus rigoureux.
Lacteur, écrit-il, «vit tout entier sur un monde irréel. Et peu importe qu’il
pleure réellement, dans lemportement du rôle. [...] Il se fait ici une
transformation semblable à celle que nous indiquions dans le rêve: lacteur est
happé, inspiré tout entier par lirréel. Ce nest pas le personnage qui se réalise
dans lacteur, cest lacteur qui sirréalise dans son personnage». Mais le
spectateur nest pas épargné par ce mouvement. «Lirréel ne peut être vu,
touché, flairé quirréellement. [...] Il ne peut agir que sur un être irréel». Acteur
effectif et spectateurs concrets se sont éclipsés de la nouvelle donne. Lirréalité
du théâtre est devenue sa puissance propre, le régime déterminé de sa
constitution.
Or, ce système que nous venons de décrire dont lidentification cheville
les différentes instances, lacteur avec son rôle, le public avec le spectateur et
celui-ci avec le héros n’est pas, non plus, le système de notre expérience.
Nous ne pouvons plus formuler en ces termes ce qui nous arrive, ce que nous
faisons ou voyons au théâtre. Cette phase de notre histoire sest éloignée de
nous ou nous nous en sommes éloignés aussi sûrement que nous sommes
devenus étrangers à celle que dépeint la Poétique. Elle nous paraît plus proche,
et elle lest, chronologiquement. Au point qu’elle voile notre expérience, que
nous tentons dinterpréter à laide de ses catégories. Mais si lon observe, l’œil
dessillé, ce qui a lieu, le constat est certain: de cette économie, nous sommes
suppositions, de si, de circonstances imaginés par lui. Sur la scène, la réalité        vous aurez envie d’agir. Alors, en tant que participant actif à cette vie
n’existe pas. L’art est un produit de l’imagination, comme l’œuvre du                   imaginaire, vous ne vous verrez plus vous-même, mais seulement ce qui vous
dramaturge. Le but de l’acteur doit être de se servir de sa technique pour              entoure et vivant réellement dans ce milieu vous réagirez intérieurement».
transformer la pièce en une réalité dramatique. Dans cette opération,                   Freud, nous l’avons vu, caractérisait en quelque sorte le spectateur comme celui
l’imagination joue de loin le rôle le plus important». Le paysage est désormais         qui s’ennuie. S’ennuie de sa vie, dont il veut combler imaginairement les vides.
saturé d’imaginaire. Le personnage, comme la pièce, sont des entités fictives,          Stanislavski complète le dispositif. Pour lui, «le véritable acteur est celui qui
dont le devenir-actif est enclenché par des suppositions, des si. Devant ces            désire créer en lui-même une autre vie plus profonde, plus intéressante que celle
entités, l’action de l’acteur consiste en deux opérations étrangement inverses:         qui l’entoure en réalité». Tous deux s’alimentent donc, initialement, à la source
aborder la pièce à l’aide de ses propres suppositions, afin de faire passer de la       d’une profonde insatisfaction devant la vie comme elle est. L’acteur passe à
vie de tous les jours dans le domaine de l’imagination. Il s’agit alors, on             l’acte. Mais cette action dramatique, compensation de la vie manquante,
l’apprendra dans les pages suivantes, de combler imaginairement les vides               lacunaire, creuse, est une action de l’imaginaire encore. Ainsi l’imaginaire
laissés par l’imaginaire du texte. Le texte ne sature pas l’imaginaire, il n’en         devient-il pratique, agissant. Le théâtre est ce champ qui permet désormais de
donne qu’un tracé lacunaire, intermittent: les répliques, les indications               vivre l’imaginaire, de le pratiquer. Déjà le regard était renvoyé vers les images.
scéniques sont toujours trop pauvres. A l’acteur de pallier ces manques, par ses        Voici que la pratique du théâtre elle-même se sature d’imagination, devient un
propres ressources imaginantes. Puis, il devra utiliser sa technique pour opérer        imaginaire activé. La vie du théâtre est désormais une vie imaginaire, elle est ce
une sorte de mouvement retour, et transformer la pièce (imaginaire, elle) en une        domaine singulier qui se montre capable de donner vie à l’imaginaire, d’en faire
réalité dramatique, c’est-à-dire en cette sorte de réalité déterminée qui se            un imaginaire vivant.
produit sur la scène: non pas la réalité externe, qui en est absente, mais la réalité        C’est peut-être Sartre qui donnera de ce schéma le dessin le plus rigoureux.
proprement scénique, dramatique, la réalité du jeu et de la représentation. Et          L’acteur, écrit-il, «vit tout entier sur un monde irréel. Et peu importe qu’il
dans cette deuxième phase, l’imagination est encore désignée comme l’agent              pleure réellement, dans l’emportement du rôle. [...] Il se fait ici une
décisif. C’est pourquoi, si l’acteur veut se rendre apte à réaliser l’ensemble de       transformation semblable à celle que nous indiquions dans le rêve: l’acteur est
cette opération, son imagination doit être activée, développée, enrichie, mise au       happé, inspiré tout entier par l’irréel. Ce n’est pas le personnage qui se réalise
travail. C’est elle qui doit le rendre apte à faire fonctionner, doublement, la mise    dans l’acteur, c’est l’acteur qui s’irréalise dans son personnage». Mais le
en relation du réel (du jeu) avec l’imaginaire (du rôle). L’imagination est cet         spectateur n’est pas épargné par ce mouvement. «L’irréel ne peut être vu,
opérateur par lequel l’acteur se transporte dans l’image, et affecte à la               touché, flairé qu’irréellement. [...] Il ne peut agir que sur un être irréel». Acteur
présentation de l’image l’activité de son corps, de sa vie. Mouvement                   effectif et spectateurs concrets se sont éclipsés de la nouvelle donne. L’irréalité
ininterrompu d’aller-retour: de transfert (imagination) vers le rôle, et de             du théâtre est devenue sa puissance propre, le régime déterminé de sa
reconversion de l’image ainsi investie en effectivité dramatique, scénique.             constitution.
      Ainsi, l’imaginaire est partout: à toutes les commandes, à tous les rouages,           Or, ce système que nous venons de décrire – dont l’identification cheville
il tient tous les collets et courroies de cette machine. Le voici décidément            les différentes instances, l’acteur avec son rôle, le public avec le spectateur et
maître du jeu. C’est lui qui embraie et recueille l’identification, celle de            celui-ci avec le héros – n’est pas, non plus, le système de notre expérience.
l’acteur, comme chez Freud il tenait sous sa prise celle du spectateur. Et cette        Nous ne pouvons plus formuler en ces termes ce qui nous arrive, ce que nous
identification est active. Elle permet à l’acteur de n’être plus spectateur de son      faisons ou voyons au théâtre. Cette phase de notre histoire s’est éloignée de
rôle. «Vous pouvez vous dire: “Je vais rester un simple spectateur, observer ce         nous – ou nous nous en sommes éloignés – aussi sûrement que nous sommes
que mon imagination me suggère, tout en ne prenant aucune part à cette vie”.            devenus étrangers à celle que dépeint la Poétique. Elle nous paraît plus proche,
Ou bien, si vous décidez de vous joindre aux activités de cette vie, vous allez         et elle l’est, chronologiquement. Au point qu’elle voile notre expérience, que
vous représenter mentalement au milieu de vos partenaires et vous serez encore          nous tentons d’interpréter à l’aide de ses catégories. Mais si l’on observe, l’œil
un spectateur passif. A la fin, vous serez fatigué, d’être toujours spectateur, et      dessillé, ce qui a lieu, le constat est certain: de cette économie, nous sommes
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