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qu’on ne l’attendait plus. Certes, l’attelage poésie-chanson ne s’est pas arrêté
trois cents ans. Les pamphlétaires de tavernes eurent beau saccager le tronc
commun en rimant des libellés, en «chansonnant» à qui mieux-mieux, on
continuait de reprendre en chœur, aux veillées, ces chefs-d’œuvre anonymes (et
par conséquent «du folklore») que sont la Blanche Biche, le Roi Renaud, A la
Claire Fontaine, Aux Marches du Palais, et aux pires époques du «caf’conc’»,
Bruant, Pierre Dupont, Delmet, Yvette Guilbert sauvaient l’honneur.
On a pour habitude de dater le sauvetage de la chanson de l’apparition de
Trenet. Trenet salue ainsi ses devanciers: «Je n’ai fait qu’apporter ma modeste
contribution lyrico-champêtre au genre créé par Miraille et Jean Nohain...»
Belle honnêteté de vrai riche. Par la suite, il y eut la guerre. Nous eûmes les
chansons que Thiriet écrivit pour les Visiteurs du Soir. Thiriet, c’était déjà
Prévert. Prévert, c’était déjà Kosma. Il y eut Gréco, Mouloudji, Jacques Douai,
les Frères Jacques. Saint-Germain-des-Près, où flotte l’esprit nouveau, invente
«la chanson rive gauche». Sartre, Queneau, Fombeure se mettent à écrire des
paroles tout exprès. On s’aperçoit que Mac Orlan, Giraudoux, Mauriac, Genêt,
Genevoix, Desnos, Audiberti, Aragon et vingt autres sont aimés de la musique,
que les mots de leurs poèmes flottent avec une aisance admirable au gré des
mélodies, qu’ils en reçoivent une espèce de force fluide, obsédante,
chaleureuse. Léo Ferré applique la formule à Baudelaire, avant de l’essayer sur
Aragon, puis Verlaine et Rimbaud.
Un soir, au Théâtre des 3 Baudets, à Montmartre, un poète du Canada entre
seul en scène avec sa guitare et parle de ses neiges, de ses forêts, de ses lacs, de
ses voyages. Il se nomme Félix Leclerc. Il est le premier à oser venir défendre
ainsi des images vues comme derriére la vitre embuée d’une enfance. Son
succès ouvrira la voie à des gens qui s’appelleront Brassens, Béart, Brel, Ferrat,
Gainsbourg; lesquels annonceront Barbara, Anne Sylvestre, etc.
Tous ceux que je viens de nommer ne chantent pas systématiquement «des
poèmes». Disons que la poésie passe à travers leurs tours de chant et que la
poésie ne circule jamais mieux – actuellement – qu’en fraude. La qualité à
laquelle ils s’astreignent certains d’entre eux dans une sorte de ghetto, les
condamne aux «circuits parallèles» que sont les Maisons de jeunes, les petits
éditeurs de disques, les derniers survivants des cabarets rive gauche. Les autres
«font» des auditoires immenses qui, pour Maxime Le Forestier par exemple,
représentent le Palais des Congrés ou le Cirque d’Hiver pendant un mois... A
quoi tiennent ces différences? Au talent, bien sûr. Mais aussi, et principalement
à l’impact de l’imprésario qui «vend» le spectacle et le nom. L’opération
«chanson de qualité» a, certes, changé quelque chose dans le monde du
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spectacle, en France. On dit que Louis Aragon, après la mise en musique de ses
poèmes par Ferrat, Brassens, Ferré et quelques autres, a vu augmenter de un
million en deux ans les lecteurs de sa poésie. Les acheteurs entraient chez le
libraire, demandaient l’ouvrage contenant le poème chanté dont ils citaient les
premiers vers. Le disque de chansons peut donc devenir véhicule de culture à
l’autre bout de la chaîne.
EDITH PIAF
La plus grande chanteuse tragique de music-hall E. Piaf (1915-1963) tient
une place à part dans le monde de la chanson française. Son nom a pris depuis
longtemps la valeur d’un symbole – son image personnifie la chanson
parisienne dans le monde entier. A elle seule, E. Piaf était un siècle de gloire
dans l’histoire de ce genre, un phénomène unique. Ses chansons ont su traduire
tout un monde de la France contemporaine, avec ses joies et ses drames, ses
misères et ses chagrins. Pour réussir une telle perfection artistique, il fallait sa
voix prodigieuse, son talent d’interprétation, mais aussi une vie tourmentée et
dramatique, qui ne faisait qu’un avec son art. Tout comme M. Chevalier, E. Piaf
a marqué toute l’histoire de la chanson française du XX
e
siècle.
* * * * *
Elle a connu la misère de la rue, qu’elle a chantée de toute son âme. Elle
naquit sur un trottoir, devant le 72 de la rue de Belleville (l’ambulance était en
retard). Ses parents étant séparés, elle est élevée par ses grands-mères et par une
tante. Après une adolescence difficile (elle chantait notamment dans les
casernes), alors qu’elle chantait un jour de 1935 au coin de la rue Troyon et de
l’avenue Mac-Mahon Comme un moineau, un passant, frappé par sa voix, lui
propose de passer en cabaret. C’était Louis Leplée, directeur du Gerny’s, 54,
rue Pierre-Charron, où elle débute, baptisée «la Môme Piaf» par Leplée. Elle
interprète des succès de Damia, T. Rossi et, bientôt, l’Etranger, qu’elle apprend
en entendant A. Lajon répéter chez un éditeur. Un nouveau drame la marque
profondément: L. Leplée est assassiné dans des conditions restées mystérieuses
(1936). Elle chante en music-hall (ABC, 1937), rencontre R. Asso, dont elle
interprète des chansons bientôt célèbres (le Fanion de la légion) puis Paris-
Méditerranée, C’est lui que mon cœur a choisi, le Petit Monsieur triste, etc. Par
la suite, M. Emer (l’Accordéoniste, 1939), H. Contet (Y’a pas d’printemps)
seront ses auteurs favoris, M. Monnot étant son compositeur préféré (C’était un
jour de fête). E. Piaf poursuit une carrière bientôt triomphale en France et à
qu’on ne l’attendait plus. Certes, l’attelage poésie-chanson ne s’est pas arrêté spectacle, en France. On dit que Louis Aragon, après la mise en musique de ses trois cents ans. Les pamphlétaires de tavernes eurent beau saccager le tronc poèmes par Ferrat, Brassens, Ferré et quelques autres, a vu augmenter de un commun en rimant des libellés, en «chansonnant» à qui mieux-mieux, on million en deux ans les lecteurs de sa poésie. Les acheteurs entraient chez le continuait de reprendre en chœur, aux veillées, ces chefs-d’œuvre anonymes (et libraire, demandaient l’ouvrage contenant le poème chanté dont ils citaient les par conséquent «du folklore») que sont la Blanche Biche, le Roi Renaud, A la premiers vers. Le disque de chansons peut donc devenir véhicule de culture à Claire Fontaine, Aux Marches du Palais, et aux pires époques du «caf’conc’», l’autre bout de la chaîne. Bruant, Pierre Dupont, Delmet, Yvette Guilbert sauvaient l’honneur. On a pour habitude de dater le sauvetage de la chanson de l’apparition de EDITH PIAF Trenet. Trenet salue ainsi ses devanciers: «Je n’ai fait qu’apporter ma modeste contribution lyrico-champêtre au genre créé par Miraille et Jean Nohain...» La plus grande chanteuse tragique de music-hall E. Piaf (1915-1963) tient Belle honnêteté de vrai riche. Par la suite, il y eut la guerre. Nous eûmes les une place à part dans le monde de la chanson française. Son nom a pris depuis chansons que Thiriet écrivit pour les Visiteurs du Soir. Thiriet, c’était déjà longtemps la valeur d’un symbole – son image personnifie la chanson Prévert. Prévert, c’était déjà Kosma. Il y eut Gréco, Mouloudji, Jacques Douai, parisienne dans le monde entier. A elle seule, E. Piaf était un siècle de gloire les Frères Jacques. Saint-Germain-des-Près, où flotte l’esprit nouveau, invente dans l’histoire de ce genre, un phénomène unique. Ses chansons ont su traduire «la chanson rive gauche». Sartre, Queneau, Fombeure se mettent à écrire des tout un monde de la France contemporaine, avec ses joies et ses drames, ses paroles tout exprès. On s’aperçoit que Mac Orlan, Giraudoux, Mauriac, Genêt, misères et ses chagrins. Pour réussir une telle perfection artistique, il fallait sa Genevoix, Desnos, Audiberti, Aragon et vingt autres sont aimés de la musique, voix prodigieuse, son talent d’interprétation, mais aussi une vie tourmentée et que les mots de leurs poèmes flottent avec une aisance admirable au gré des dramatique, qui ne faisait qu’un avec son art. Tout comme M. Chevalier, E. Piaf mélodies, qu’ils en reçoivent une espèce de force fluide, obsédante, a marqué toute l’histoire de la chanson française du XXe siècle. chaleureuse. Léo Ferré applique la formule à Baudelaire, avant de l’essayer sur ***** Aragon, puis Verlaine et Rimbaud. Elle a connu la misère de la rue, qu’elle a chantée de toute son âme. Elle Un soir, au Théâtre des 3 Baudets, à Montmartre, un poète du Canada entre naquit sur un trottoir, devant le 72 de la rue de Belleville (l’ambulance était en seul en scène avec sa guitare et parle de ses neiges, de ses forêts, de ses lacs, de retard). Ses parents étant séparés, elle est élevée par ses grands-mères et par une ses voyages. Il se nomme Félix Leclerc. Il est le premier à oser venir défendre tante. Après une adolescence difficile (elle chantait notamment dans les ainsi des images vues comme derriére la vitre embuée d’une enfance. Son casernes), alors qu’elle chantait un jour de 1935 au coin de la rue Troyon et de succès ouvrira la voie à des gens qui s’appelleront Brassens, Béart, Brel, Ferrat, l’avenue Mac-Mahon Comme un moineau, un passant, frappé par sa voix, lui Gainsbourg; lesquels annonceront Barbara, Anne Sylvestre, etc. propose de passer en cabaret. C’était Louis Leplée, directeur du Gerny’s, 54, Tous ceux que je viens de nommer ne chantent pas systématiquement «des rue Pierre-Charron, où elle débute, baptisée «la Môme Piaf» par Leplée. Elle poèmes». Disons que la poésie passe à travers leurs tours de chant et que la interprète des succès de Damia, T. Rossi et, bientôt, l’Etranger, qu’elle apprend poésie ne circule jamais mieux – actuellement – qu’en fraude. La qualité à en entendant A. Lajon répéter chez un éditeur. Un nouveau drame la marque laquelle ils s’astreignent certains d’entre eux dans une sorte de ghetto, les profondément: L. Leplée est assassiné dans des conditions restées mystérieuses condamne aux «circuits parallèles» que sont les Maisons de jeunes, les petits (1936). Elle chante en music-hall (ABC, 1937), rencontre R. Asso, dont elle éditeurs de disques, les derniers survivants des cabarets rive gauche. Les autres interprète des chansons bientôt célèbres (le Fanion de la légion) puis Paris- «font» des auditoires immenses qui, pour Maxime Le Forestier par exemple, Méditerranée, C’est lui que mon cœur a choisi, le Petit Monsieur triste, etc. Par représentent le Palais des Congrés ou le Cirque d’Hiver pendant un mois... A la suite, M. Emer (l’Accordéoniste, 1939), H. Contet (Y’a pas d’printemps) quoi tiennent ces différences? Au talent, bien sûr. Mais aussi, et principalement seront ses auteurs favoris, M. Monnot étant son compositeur préféré (C’était un à l’impact de l’imprésario qui «vend» le spectacle et le nom. L’opération jour de fête). E. Piaf poursuit une carrière bientôt triomphale en France et à «chanson de qualité» a, certes, changé quelque chose dans le monde du 13 14
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