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l’étranger. Le public populaire trouve dans ses chansons l’expression des
espoirs et des souffrances de la vie quotidienne, sans faire de partage entre son
répertoire et sa vie personnelle, marquée par les succès et les drames. En 1945,
elle chante avec les Compagnons de la chanson, incitant leur chef, M.-L.
Jaubert, à choisir un répertoire moderne. Leur disque commun, les Trois
Cloches (Gilles) atteint 1 million d’exemplaires. Elle a fait connaître de
nouveaux interprètes et auteurs; elle a été parmi les premiers interprètes de G.
Bécaud, Ch. Aznavour. Jusqu’à la fin de sa vie elle a chanté la force de l’amour
(A quoi ça sert l’amour?, avec Théo Sarapo, qu’elle venait d’épouser, 1962).
Ses obsèques au Père-Lachaise sont suivies par une foule considérable. Elle a
joué la comédie, l’opérette, tourné des films, écrit une trentaine de chansons.
Mais elle a été surtout une voix tragique et puissante: «Et voilà qu’une voix qui
sort des entrailles, une voix qui l’habite des pieds à la tête, déroule une haute
vague de velours noir» (J. Cocteau). Cette voix aurait pu, disait B. Vian, chanter
l’annuaire du téléphone avec succès. Son répertoire exprimait la fatalité du
destin (la Foule, C’est toujours la même histoire) et la croyance en l’amour
malgré la souffrance qu’il apporte (D’l’autre côté d’la rue, les Amants d’un
jour). On y trouve toute une mythologie populaire de légionnaires, marins, filles
malheureuses, bals de quartier, départs dans des ports brumeux, petits hôtels.
J. Prévert et H. Crolla lui ont écrit une chanson qui reste son image: Cri du cœur.
EVGENI MRAVINSKY
Beethoven, Brahms, Bruckner, Chostakovitch, Tchaïkovsky...
Ces volumes (ll-20) constituent une suite logique au coffret paru
précédemment, et nous espérons bien que BMG, qui a repris en main
l’importation des enregistrements officiels Melodiya, n’en restera pas là. La
constitution de cette Edition Mravinsky est un apport considérable à une bonne
connaissance de l’art de la direction d’orchestre au XX
e
siècle. Le chef russe
(1903-1988) aura compté parmi les cinq ou six plus prestigieuses baguettes de
ce temps; et ses interprétations, gravées dans le roc, refusant toute coquetterie,
tout laisser-aller, véritables flèches ardentes propres à embraser les partitions,
demeureront pour les générations à venir des exemples à méditer.
Avec la Philharmonie de Leningrad, qui, après tant d’années d’efforts et de
triomphes communs, lui répondait au doigt et à l’œil – un doigt impérial, un œil
de braise, – Evgeni Mravinsky a engrangé des disques d’une clarté fulgurante,
d’une «électricité» renversante. Ses lectures des symphonies de Dmitri
Chostakovitch sont bien connues pour leur hauteur d’âme, leur dédain pour tout
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apitoiement superflu. Ami du compositeur, qui lui dédia nombre de ses
ouvrages. Mravinsky est sans doute l’homme et l’artiste le mieux placé pour
évoquer l’univers du symphoniste soviétique. Nous retrouvons ici,
irrépressibles coulées de lave, longs cris dans la nuit, espoirs murmurés, les
Symphonies n
os
5, 7 et 8, enregistrées en public – comme tous ces CD – en
1954, 1953 et 1947.
Autre spécificité mravinskienne: Tchaïkovsky, tel qu’en lui- même et non
pas alourdi, envahi par les lourds sanglots «occidentaux». Tous les musiciens
russes, et Mravinsky en particulier, ont tenu à garder intacte la fière allure de
leur compatriote. Ses enregistrements de la Symphonie n
0
4 (1957, couplée avec
la Symphonie n
0
4 de Glazounov, 1948), de la Symphonie n
0
6, «Pathétique»
(1949, avec la suite d’orchestre du Kitège de Rimski-Korsakov), de Francesca
da Rimini, de la Sérénade pour cordes, du Capriccio italien (1948, 1949, 1950),
effacent le côté larmoyant que tant de chefs ont accolé à son œuvre. Ici,
Tchaïkovsky ne s’avoue jamais vaincu, et si «fatum» il y a, il le combat à mains
nues, à cœur nu, jusqu’à ses dernières forces. Du superbe Tchaïkovsky, épuré,
libre...
Rien à dire de la Symphonie alpestre, de Richard Strauss. Mravinsky s’y
livre à un travail d’orfèvre d’un raffinement inouï; mais il n’y a rien à tirer de ce
monument affligeant, de ce «crassier»... Mieux vaut se précipiter sur les
Symphonies n
os
3 et 4 de Brahms (1972, 1973) merveilleusement lyriques. Ceux
qui parlent de la sécheresse de Mravinsky devraient méditer ces exécutions
épanouies. L’art si clair, si lumineux de Mravinsky éclate dans les Symphonies
n
os
5 et 7 de Beethoven (1949, 1958), et leur infuse une dynamique, une
élasticité des phrases tout à fait réjouissantes. Son approche de la Symphonie n
0
8 d’Anton Bruckner (1959) rompt avec ce bonheur de faire chanter et danser
l’orchestre beethovénien; rarement Mravinsky nous aura montré un visage aussi
sombre, aussi torturé, un orchestre aussi apocalyptique.
Ces dix CD sont disponibles séparément, mais il serait navrant de ne pas
profiter de l’occasion offerte et de ne pas faire entrer «tout» Mravinsky chez
soi. Et par la grande porte. Le coffret est, en outre, proposé avec 20% de
réduction sur un prix déjà «économique»...
Evgeni Mravinsky – le chef russe a engrangé des disques d’une clarté
fulgurante.
l’étranger. Le public populaire trouve dans ses chansons l’expression des apitoiement superflu. Ami du compositeur, qui lui dédia nombre de ses espoirs et des souffrances de la vie quotidienne, sans faire de partage entre son ouvrages. Mravinsky est sans doute l’homme et l’artiste le mieux placé pour répertoire et sa vie personnelle, marquée par les succès et les drames. En 1945, évoquer l’univers du symphoniste soviétique. Nous retrouvons ici, elle chante avec les Compagnons de la chanson, incitant leur chef, M.-L. irrépressibles coulées de lave, longs cris dans la nuit, espoirs murmurés, les Jaubert, à choisir un répertoire moderne. Leur disque commun, les Trois Symphonies nos 5, 7 et 8, enregistrées en public – comme tous ces CD – en Cloches (Gilles) atteint 1 million d’exemplaires. Elle a fait connaître de 1954, 1953 et 1947. nouveaux interprètes et auteurs; elle a été parmi les premiers interprètes de G. Autre spécificité mravinskienne: Tchaïkovsky, tel qu’en lui- même et non Bécaud, Ch. Aznavour. Jusqu’à la fin de sa vie elle a chanté la force de l’amour pas alourdi, envahi par les lourds sanglots «occidentaux». Tous les musiciens (A quoi ça sert l’amour?, avec Théo Sarapo, qu’elle venait d’épouser, 1962). russes, et Mravinsky en particulier, ont tenu à garder intacte la fière allure de Ses obsèques au Père-Lachaise sont suivies par une foule considérable. Elle a leur compatriote. Ses enregistrements de la Symphonie n0 4 (1957, couplée avec joué la comédie, l’opérette, tourné des films, écrit une trentaine de chansons. la Symphonie n0 4 de Glazounov, 1948), de la Symphonie n0 6, «Pathétique» Mais elle a été surtout une voix tragique et puissante: «Et voilà qu’une voix qui (1949, avec la suite d’orchestre du Kitège de Rimski-Korsakov), de Francesca sort des entrailles, une voix qui l’habite des pieds à la tête, déroule une haute da Rimini, de la Sérénade pour cordes, du Capriccio italien (1948, 1949, 1950), vague de velours noir» (J. Cocteau). Cette voix aurait pu, disait B. Vian, chanter effacent le côté larmoyant que tant de chefs ont accolé à son œuvre. Ici, l’annuaire du téléphone avec succès. Son répertoire exprimait la fatalité du Tchaïkovsky ne s’avoue jamais vaincu, et si «fatum» il y a, il le combat à mains destin (la Foule, C’est toujours la même histoire) et la croyance en l’amour nues, à cœur nu, jusqu’à ses dernières forces. Du superbe Tchaïkovsky, épuré, malgré la souffrance qu’il apporte (D’l’autre côté d’la rue, les Amants d’un libre... jour). On y trouve toute une mythologie populaire de légionnaires, marins, filles Rien à dire de la Symphonie alpestre, de Richard Strauss. Mravinsky s’y malheureuses, bals de quartier, départs dans des ports brumeux, petits hôtels. livre à un travail d’orfèvre d’un raffinement inouï; mais il n’y a rien à tirer de ce J. Prévert et H. Crolla lui ont écrit une chanson qui reste son image: Cri du cœur. monument affligeant, de ce «crassier»... Mieux vaut se précipiter sur les Symphonies nos 3 et 4 de Brahms (1972, 1973) merveilleusement lyriques. Ceux EVGENI MRAVINSKY qui parlent de la sécheresse de Mravinsky devraient méditer ces exécutions Beethoven, Brahms, Bruckner, Chostakovitch, Tchaïkovsky... épanouies. L’art si clair, si lumineux de Mravinsky éclate dans les Symphonies nos 5 et 7 de Beethoven (1949, 1958), et leur infuse une dynamique, une Ces volumes (ll-20) constituent une suite logique au coffret paru élasticité des phrases tout à fait réjouissantes. Son approche de la Symphonie n0 précédemment, et nous espérons bien que BMG, qui a repris en main 8 d’Anton Bruckner (1959) rompt avec ce bonheur de faire chanter et danser l’importation des enregistrements officiels Melodiya, n’en restera pas là. La l’orchestre beethovénien; rarement Mravinsky nous aura montré un visage aussi constitution de cette Edition Mravinsky est un apport considérable à une bonne sombre, aussi torturé, un orchestre aussi apocalyptique. connaissance de l’art de la direction d’orchestre au XXe siècle. Le chef russe Ces dix CD sont disponibles séparément, mais il serait navrant de ne pas (1903-1988) aura compté parmi les cinq ou six plus prestigieuses baguettes de profiter de l’occasion offerte et de ne pas faire entrer «tout» Mravinsky chez ce temps; et ses interprétations, gravées dans le roc, refusant toute coquetterie, soi. Et par la grande porte. Le coffret est, en outre, proposé avec 20% de tout laisser-aller, véritables flèches ardentes propres à embraser les partitions, réduction sur un prix déjà «économique»... demeureront pour les générations à venir des exemples à méditer. Evgeni Mravinsky – le chef russe a engrangé des disques d’une clarté Avec la Philharmonie de Leningrad, qui, après tant d’années d’efforts et de fulgurante. triomphes communs, lui répondait au doigt et à l’œil – un doigt impérial, un œil de braise, – Evgeni Mravinsky a engrangé des disques d’une clarté fulgurante, d’une «électricité» renversante. Ses lectures des symphonies de Dmitri Chostakovitch sont bien connues pour leur hauteur d’âme, leur dédain pour tout 15 16
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